Cette semaine, Raphaël a visité le Mémorial de Yad Vashem en compagnie de ses camarades en programme Massa post académique à Jérusalem. Une matinée destinée au devoir de mémoire, à un mois de Yom Hashoa. Mais surtout, une bonne claque, aussi violente que salutaire. Il vous livre ses impressions, sans filtre.
Israël, terre de mémoire
Je suis arrivé en Israël il y moins d’un mois. Petit à petit, je me rends compte que vivre en Israël, c’est participer à l’une des plus belles expériences humaines de ce siècle. C’est participer à la construction d’un pays officiellement vieux de 68 ans.
Israël est un Etat juif. Et l’un des plus grandes spécificités du peuple juif, c’est cette capacité à ne rien oublier. A se remémorer absolument chaque étape de sa vie. A regarder derrière pour mieux avancer. C’est dans cet esprit que nous sommes montés dans le bus et sommes arrivés devant le Mémorial de Yad Vashem. Un mémorial destiné au souvenir de la Shoah et aux six millions de juifs interdits de vivre parce que juifs.
Yad Vashem, la place et le nom
Yad Vashem est un mémorial dont la construction a été décidée par la Knesset en 1953 en votant la loi du mémorial. Il se trouve dans la forêt de Jérusalem, sur le versant ouest du mont Herzl (mont du Souvenir) à 804 mètres d’altitude. Une façon de se rapprocher physiquement un peu plus de D.ieu pour essayer de comprendre l’incompréhensible.
« Yad Vashem » vient d’un verset de Isaïe: « Et je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs une place (Yad) et un nom (Shem) qui ne seront pas effacés », Isaïe 56, 5.
Et c’est là tout l’intérêt de cet édifice. Une place où le nom des victimes ne sera jamais effacé.
Effacer jusqu’au souvenir du peuple juif
J’arpente les lieux avec la voix de notre guide dans ma tête. Et je regarde tout ce que ma conscience arrive à regarder. Je regarde ce film ou des anciens, des jeunes, des femmes, des jeunes hommes, des artistes, des artisans, des pieux, des profanes, des scientifiques, des littéraires, nous font signe de la main comme pour dire que tout va bien. Et tout allait bien effectivement. Toutes ces personnes, comme nous, vivaient pleinement leur vie en oubliant parfois ce « point commun » qui a scellé leur sort.
Je continue à marcher et je découvre l’acharnement que le peuple juif a subi. Parce que la Shoah est exceptionnelle. Oui elle est unique, peu importe ce que diront les négationnistes. Comme le dit BHL « la Shoah est le seul génocide qui se soit voulu sans restes ». Non, il ne reste rien d’eux. Enfin physiquement. Parce que dans la primitivité incontestable de leurs bourreaux, le but (solution) final n’était pas seulement d’effacer le peuple juif. Il fut aussi d’effacer son existence en lui enlevant même le droit de mourir. Toute la signification des crématoriums était là. Qu’il ne reste rien. Pas même une simple pancarte.
Les archives de Yad Vashem, pour redonner la vie
J’avance dans ce musée aux murs de pierre brute. « La cicatrice non cicatrisée » comme nous expliquera notre guide. Je continue à marcher et la fatigue se fait ressentir. Pas une fatigue physique, une fatigue morale. Comment était-ce possible ? Comment ont-ils pu en arriver là ? La visite se transforme en une espèce d’errance devant des photos. Et des noms également. C’est là que Yad Vashem est impressionnant. C’est que le Mémorial possède des archives actualisables. Dans le sens où, une recherche constante est effectuée pour savoir si les personnes fichées comme décédées le sont vraiment. C’est ainsi que de nombreux rescapés ont été retrouvés vivants, de nombreuses familles ont été recomposées et de nombreuses victimes décédées ont pu remplacer leur tatouage par leur nom.
Je pense notamment à cette photo connue ou l’on voit cet homme visiblement pieux, mettre ses téfilines en pleine rue devant des soldats allemands moqueurs juste avant de se faire lyncher. Cet homme était le Rav Moshé Hagerman. Il était rabbin et s’occupait du Beit Din (tribunal rabbinique) de la ville d’Olkusz en Pologne. Il a fait partie de ces millions de juifs déportés. Et de ces centaines d’histoires que l’on peut raconter grâce à une simple photographie et un nom.
Après la nuit noire, le jour bleu et blanc
La visite continue et la lumière commencer à filtrer derrière cette profonde angoisse que l’on ressent pendant la visite. Elle se manifeste par la libération des camps et la création de l’Etat d’Israël quelques années après. Voir un drapeau bleu et blanc au milieu de toutes ces photographies en noir et blanc de ces hommes et femmes épuisés de vivre, nous rappelle violemment que le peuple juif est aujourd’hui plus fort que jamais.
On sort finalement de ce voyage oppressant pour arriver sur une terrasse avec vue sur Jérusalem. Le réconfort ultime.
Le Mémorial de Yad Vashem est un voyage dans les profondeurs de la Shoah. Un voyage durant lequel on croise toutes ces personnes qui ont vécu l’horreur. Et si elles ne sont plus là pour le raconter Yad Vashem s’occupe de leur histoire, de leur mémoire et de l’avenir de leur récit.
Dans une des pièces il est écrit « Zakhor eth acher assa lékha Amalek » – « Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek ». C’est une mitsva de s’en rappeler. Et c’est justement pour cette raison, que le peuple juif est indestructible.
Raphaël S
Stagerim Jérusalem 2017